mardi 21 septembre 2010

** Une femme à Berlin

@Brigitte Enguérand

Isabelle Carré prête sa voix au témoignage d'une Berlinoise pendant la guerre. Poignant.

Publié pour la première fois en Allemagne en 1959, Une femme à Berlin a provoqué un tel scandale que son auteure (Marta Hillers, journaliste de 34 ans au moment de l'écriture du livre) demanda que son texte ne soit plus édité de son vivant. Que raconte ce journal intime, écrit entre le 20 avril et le 22 juin 1945 dans un Berlin déserté, et que la douce Isabelle Carré donne aujourd'hui à entendre, de si dérangeant ?

Il dit le viol massif des femmes allemandes par des soldats soviétiques sûrs de leur supériorité et de leur bon droit (ne font-ils pas que venger les horreurs commises par les nazis à leur encontre ?) Il dit le rejet que les Allemands témoignèrent à l'égard de leurs compagnes violées à leur retour de la guerre (le fiancé de Marta, présent au tout début de la pièce, lui reproche l'impudeur de son journal avant de la quitter pour toujours). Il dit aussi et surtout l'acceptation des violences sexuelles par ces femmes devenues des butins de guerre. Plutôt le viol que la mort ! Voilà en substance ce qu'écrit Marta Hillers dans son journal, elle qui raconte, avec autant de force et de courage, comment elle se plaça sous la protection de soldats gradés pour rester en vie. Parce qu'en 1945, les femmes allemandes n'avaient pas d'autres choix.

Isabelle Carré, à la fois forte et fragile, porte avec beaucoup de sobriété et de pudeur le texte de Marta Hillers. Les spectateurs qui ont lu Une femme à Berlin ont souvent été déçus par l'adaptation théâtrale de Tatiana Vialle. Moi qui ignorais le livre, j'ai découvert grâce à cette mise en scène un témoignage historique aussi important que bouleversant.

Une femme à Berlin (1h20) mise en scène de Tatiana Vialle. Au Théâtre du Rond-Point jusqu'au 10 oct. www.theatredurondpoint.fr

jeudi 16 septembre 2010

** Le Roi se meurt

@Franck Perry

Michel Bouquet reprend son rôle de souverain ne voulant pas mourir dans Le Roi se meurt de Ionesco. En 2005, sa prestation lui avait valu le Molière du meilleur comédien.

Dans un royaume dont l'étendue s'est réduite au fil des ans comme une peau de chagrin, Béranger Ier apprend de la bouche de son médecin, devant sa servante et ses deux épouses (la belle et jeune Marie et la vilaine et brusque Marguerite) qu'il ne lui reste plus qu'1h30 à vivre. Mais le roi ne veut pas mourir.

C'est d'abord pour applaudir Michel Bouquet que je suis allée voir Le Roi se meurt. C'est avec lui que j'ai découvert le théâtre. C'était à la fin des années 1980, j'avais dix ans et ma maman m'avait emmenée voir Le Malade imaginaire puis L'Avare. Quels souvenirs !

Vingt ans plus tard, Michel bouquet, 84 ans (il fêtera ses 85 ans sur scène le 6 novembre prochain) est toujours aussi brillant acteur ; toujours aussi doué autant dans la bouffonnerie que dans le pathétique ; toujours aussi "habité" par le rôle qu'il interprète. Son lent chemin vers la mort est ici absolument exeptionnel.

En plus du jeu magistral de Michel Bouquet, saluons la performance des autres comédiens de ce Roi se meurt mis en scène par Georges Werler, et particulièrement celle de Juliette Carré (madame Bouquet à la ville), absolument irrésistible dans le rôle de la reine Marguerite, première épouse revêche (et très drôle) d'un roi grotesque et attachant qui finira, après 400 ans de règne, par accepter de quitter ce monde.

Le Roi se meurt (1h40) d'Eugène Ionesco, mise en scène de Georges Werler. A la Comédie des Champs-Elysées, jusqu'au 31 déc.
www.comediedeschampselysees.com

lundi 13 septembre 2010

* La Médaille (pièce avec chenille)

@Mario del Curto

@ Mario del Curto

Zabou Breitman met en scène deux pièces de Lydie Salvayre. Avant de découvrir
La Compagnie des Spectres au Théâtre Silvia Monfort, j'ai vu vendredi La Médaille. Déçue.

Il est des spectacles que l'on est triste de ne pas aimer. La Médaille en fait partie. Sur le papier, pourtant, tout était écrit pour que je passe une délicieuse soirée.

1/ J'adore le Rond-Point. En plus d'être à côté de chez moi (c'est toujours plaisant de rentrer à pied d'un bon spectacle !), j'apprécie la programmation éclectique de Jean-Michel Ribes. 2/ Je suis fan de Zabou Breitman. J'ai particulièrement aimé Des gens, sa dernière pièce adaptée de deux documentaires de Raymond Depardon. 3/ Je trouvais intéressant le postulat de la pièce de Lydie Salvayre : à savoir, stigmatiser le monde de l'entreprise en nous faisant assister à une cérémonie de remise de médailles du travail. Malgré cela... je me suis un peu ennuyée.

Au départ pourtant, cela commence plutôt bien. Sur la grande scène du Rond-Point, transformée en salle polyvalente avec boule à facettes, chaises en plastique et musique des années 1980 en fond sonore, le directeur des ressources humaines de l'usine Bisson (Jean-Luc Couchard) prend la parole : il vient vanter les valeurs de son entreprise et présenter le premier "médaillé" de la soirée. Il s'agit d'Auguste Donte (Jean-Claude Frissung). Après quelques remerciements convenus, l'ouvrier, cabossé et usé par des années de travail à la chaîne, dérape. Il nous dit la dureté du métier, le bruit qui rend fou, la soumission au chef, la vie de famille gâchée... Geneviève Pizzuto (Geneviève Mnich) et Mme Veuve Duchêne (Maryline Even), à laquelle on remet pour son mari la médaille de vermeil à titre posthume, ne diront pas mieux. Entre leurs témoignages accablants, Caroline Bisson (Caroline Gonce), la petite fille de feu le fondateur de l'usine, aujourd'hui directrice de l'action sociale, vante les bienfaits de la pomme de terre pour ses employés et préconise des stages d'amitié (!) tandis que le directeur en sciences sociales (Eric Prat) dresse une typologie du monde ouvrier en distinguant les "Méditerranéens" qu'il conviendrait de renvoyer dans leur pays en charter (!) ...

C'est cynique à souhait et brillamment interprété. Mais il manque une petite folie à la mise en scène de Zabou Breitman pour que le spectacle dérape vraiment et nous embarque. Il manque surtout une touche d'humanité à ces ouvriers malmenés par des années de travail à l'usine pour qu'ils nous touchent. Dommage.

La Médaille (pièce avec chenille) (1h20) de Lydie Salvayre, mise en scène de Zabou Breitman. Au Théâtre du Rond-Point, jusqu'au 9 oct. www.theatredurondpoint.fr

vendredi 10 septembre 2010

*** Gauthier Fourcade - Le Secret du temps plié


Gauthier Fourcade est un poète-humoriste jonglant merveilleusement avec les mots. Son univers subtil, drôle et profond est à découvrir d’urgence.

Gauthier Fourcade est un grand rêveur à la chevelure frisée grisonnante et au visage lunaire. A la manière de Raymond Devos, il jongle avec les mots, manie brillamment l’absurde et nous transporte dans un monde surréaliste, délicat, mélancolique et enfantin.

Dans Le Secret du temps plié, il attend sa femme qui a choisi de ne pas rentrer. Appréhendant une longue nuit blanche, il choisit d’élaborer des théories métaphysiques sur les petites choses de la vie : le temps, l’amour, l’espoir, la mort et surtout l’enfance, cet âge d’or où le temps ne se mesurait pas en années, mais en centimètres « C’était il y a 3 centimètres. J’étais le maître du monde ! »

« Il pleut des cordes et j’ai envie de me pendre », « Quelle est la différence entre le temps qu’il fait et le temps qui passe ? » « Je pensais que le secret du temps plié, c’était un fabuleux trésor, mais ne plus craindre la mort, n’est-ce pas plus précieux que de l’or ? » Chaque phrase de Gauthier Fourcade est une citation qu’on a envie d’apprendre par cœur. Chaque passage du Secret du temps plié est un questionnement philosophique faussement naïf qui éveille notre imaginaire, nous fait rire ou nous émeut pour au final nous réchauffer le cœur. Quel bonheur !

Gauthier Fourcade est sur la scène de La Manufacture des Abbesses jusqu’à la fin du mois de décembre. En plus du Secret du temps plié (le ven. et le sam.), il joue deux autres solos, Le Cœur sur la main (le mer.) et Si j’étais un arbre (le jeu.) A ne pas manquer !

Le Secret du temps plié (1h30) de Gauthier Fourcade, mise en scène de François Bourcier. A La Manufacture des Abbesses, jusqu’au 30 déc. 2010. www.manufacturedesabbesses.com

mercredi 1 septembre 2010

Mon agenda de septembre (Reprises)

Forêts de Wajdi Mouawad@Marlene Gelineau Payette

Il n'y a pas que des nouveautés à découvrir en ce moment au théâtre. Voici ma petite sélection des meilleures reprises de la rentrée.
En septembre, je vais aussi...

... A Chaillot pour l'Intégrale de Wajdi Mouawad (Littoral, Incendies, Forêts). Parce que je n'ai pas eu la chance de voir cette magistrale épopée théâtrale de 11h dans la cour d'honneur du Palais des Papes d'Avignon en 2009. Du 8 au 19 sep.

...
A Marigny pour fêter le retour triomphal d'Edouard Baer à Paris avec son délicieux spectacle, Miam Miam. Notons que la pièce se joue désormais sans Léa Drucker, ni Philippe Duquesne, mais avec, entre autres, Lionel Abelanski, François Rollin et toujours Atmen Kalif. Du 8 au 25 sep. http://unsoirautheatre.blogspot.com/2010/01/miam-miam.html

... A la Manufacture des Abbesses pour applaudir Gauthier Fourcade dans sa Trilogie et découvrir si Le Cœur sur la main et Si j'étais un arbre sont des solos aussi poétiques et surréalistes que Le Secret du temps plié. Jusqu'au 10 oct.
http://unsoirautheatre.blogspot.com/2010/01/gauthier-fourcade-le-secret-du-temps.html

... A la Comédie des Champs-Elysées pour admirer le grand Michel Bouquet dans Le Roi se meurt d'Eugène Ionesco. En 2005, l'acteur, qui fêtera ses 85 ans le 6 novembre prochain, recevait le Molière du meilleur acteur pour cette pièce. A partir du 8 sep.

...
Au Petit Hébertot pour retrouver la douce Agathe de la Boulaye dans Le Monde selon Bulle, un seul-en-scène plein d'humour et de tendresse sur une petite fille qui refuse de renoncer à ses rêves d'enfant et dont Guillaume Gallienne (mon chouchou de la Comédie française) affirme : "Je n'ai jamais vu un spectacle seul-en-scène aussi drôle, poignant et poétique. Entre Zouk, Michel Gondry et la Comtesse de Ségur". A partir du 15 sep.
http://unsoirautheatre.blogspot.com/2009/12/agathe-de-la-boulaye-le-monde-selon.html

...
Au Théâtre du Soleil - Cartoucherie de Vincennes pour le retour d'Ariane Mnouchkine et de sa troupe dans Les Naufragés du fol espoir, après son triomphe la saison passée. Parce que les spectacles du Théâtre du Soleil, épiques, humanistes et joués dans le monde entier, sont tout simplement mythiques. A partir du 15 sep.

...
Au Théâtre Ouvert pour ne pas manquer Jean-Claude Dreyfus dans le rôle d'une femme dévouée s'occupant de son vieux père veuf dans Un mardi à Monoprix. Parce que son interprétation dans cette pièce d'Emmanuel Darley, mise en scène par Michel Didym est, parait-il, absolument remarquable. Du 17 sep au 23 oct.

...
A la Scène Watteau (Nogent-sur-Marne) pour écouter Jacques Bonnafé, ce doux poète d'aujourd'hui, nous régaler avec son spectacle L'Oral et Hardi. Le 18 sep.

...
Au Théâtre de l'Epée de bois - Cartoucherie de Vincennes pour la reprise d'A mon âge, je me cache encore pour fumer, spectacle de Rayhana qui met en scène neuf femmes d'âges et de conditions différentes dans un hammam d'Alger. Dans le cadre du festival Un automne à tisser. Du 21 au 26 sep.

Mon agenda de septembre (Nouveautés)

Affiche Nono de Sacha Guitry, mise en scène de Michel Fau

C'est la rentrée ! Que voit-on en ce début de saison ? Où va-t-on ce mois-ci au Théâtre ? Petite sélection des lieux qui accueillent des créations que j'aimerais voir. En septembre, je vais...

... Au Théâtre de la Madeleine pour découvrir Nono de Sacha Guitry monté par Michel Fau avec Julie Depardieu et Xavier Gallais. Parce que je vais voir tous les spectacles de Michel Fau ! Et que j'ai autant aimé l'année dernière sa Maison de poupée avec Audrey Tautou que son Impardonnable revue pathétique et dégradante. A partir du 7 sep. www.theatremadeleine.com

... Au Théâtre du Rond-Point pour voir Isabelle Carré dans Une femme à Berlin, d'après le journal d'une anonyme qui raconte son enfer pendant la guerre. Du 7 sep. au 10 oct. Et pour voir Zabou Breitman mettre en scène les traditionnelles remises de médailles au travail dans La Médaille (pièce avec chenille). Du 9 sep. au 9 oct. www.theatredurondpoint.fr

... Au Théâtre de la Colline pour plonger au cœur des utopies des années 1960 avec Factory 2, un sepctacle du metteur en scène polonais Krystian Lupa inspiré du travail d'Andy Warhol. En polonais surtitré, dans le cadre du Festival d'Automne. Du 11 au 15 sep. www.colline.fr

... Au Théâtre de l'Odéon - Les Ateliers Berthier pour redécouvrir, dans une version presque complète et "à la Russe", I Demoni (Les Démons) de Dostoïevski par le grand metteur en scène allemand Peter Stein. En italien surtitré, dans le cadre du Festival d'Automne. Du 18 au 26 sep. www.theatre-odeon.fr

... Au Théâtre de l'Athénée pour voir Bob Wilson monter Oh les beaux jours de Samuel Beckett après L'Opéra de quat'sous de Brecht l'an passé au Théâtre de la Ville. Du 23 sep au 9 oct. www.athenee-theatre.com

... Au Théâtre Silvia Monfort pour découvrir la nouvelle mise en scène de Zabou Beritman, La Compagnie des Spectres d'après le roman de Lydie Salvayre, deux ans après son réussi Des Gens. Du 28 sep au 31 oct. www.lemonfort.fr

Et aussi... LES AFFICHES DE LA RENTREE

Parmi les pièces très attendues en cette première partie de saison, notons au Théâtre Hébertot, Solnesse le constructeur, mise en scène de Hans Peter Cloos avec Mélanie Doutey et Jacques Weber (à partir du 3 sep.) ; au Théâtre Edouard VII, Le Prénom, mise en scène de Bernard Murat avec Patrick Bruel et Valérie Benguigui (à partir du 7 sep.) ; à La Pépinière, Les Amis du placard, mise en scène de Pierre Pradinas avec Romane Bohringer et Didier Bénureau (à partir du 7 sep.) ; au Théâtre Antoine, Désolé pour la moquette, de et par Bertrand Blier avec Myriam Boyer et Anny Duperey (à partir du 9 sep.) ; a Marigny, L'Amant d'Harold Pinter, mise en scène de Didier Long avec Léa Drucker (à partir du 10 sep) ; aux Bouffes Parisiens, Kramer conter Kramer, mise en scène de Didier Caron avec Gwendoline Hamon et Frédéric Diefenthal (à partir du 10 sep.) ; au Théâtre de Paris, Rendez-vous, mise en scène de Jean-Luc Revol avec Kad Mérad et Laurent Lafitte (à partir du 14 sep.) ; au Théâtre Montparnasse, La Parisienne, mise en scène de Didier Long avec Barbara Schulz et Jérôme Kircher (à partir du 15 sep.) ; à la Comédie des Champs-Elysées, Interview, mise en scène de Hans Peter Cloos avec Sara Forestier et Patrick Mille (à partir du 22 sep.) ; au Théâtre des Mathurins, Le Vieux Juif Blonde d'Amanda Sthers, mise en scène de Christophe Lidon avec Aurore Auteuil (à partir du 24 sep.) ; au Petit Théâtre de Paris, La Mère de Florian Zeller, mise en scène de Martial Di Fonzo Bo avec Catherine Hiegel (à partir du 24 sep.) ; au Théâtre de l'Atelier, Chien-Chien de Fabrice Roger Lacan, mise en scène de Jérémie Lippmann avec Elodie Navarre et Alice Taglioni (à partir du 28 sep.)

Dites-moi vous aussi ce que vous allez voir au théâtre, ce que vous avez aimé ou ce qui vous a déçu. Très bonne rentrée et bon spectacle !