lundi 13 septembre 2010

* La Médaille (pièce avec chenille)

@Mario del Curto

@ Mario del Curto

Zabou Breitman met en scène deux pièces de Lydie Salvayre. Avant de découvrir
La Compagnie des Spectres au Théâtre Silvia Monfort, j'ai vu vendredi La Médaille. Déçue.

Il est des spectacles que l'on est triste de ne pas aimer. La Médaille en fait partie. Sur le papier, pourtant, tout était écrit pour que je passe une délicieuse soirée.

1/ J'adore le Rond-Point. En plus d'être à côté de chez moi (c'est toujours plaisant de rentrer à pied d'un bon spectacle !), j'apprécie la programmation éclectique de Jean-Michel Ribes. 2/ Je suis fan de Zabou Breitman. J'ai particulièrement aimé Des gens, sa dernière pièce adaptée de deux documentaires de Raymond Depardon. 3/ Je trouvais intéressant le postulat de la pièce de Lydie Salvayre : à savoir, stigmatiser le monde de l'entreprise en nous faisant assister à une cérémonie de remise de médailles du travail. Malgré cela... je me suis un peu ennuyée.

Au départ pourtant, cela commence plutôt bien. Sur la grande scène du Rond-Point, transformée en salle polyvalente avec boule à facettes, chaises en plastique et musique des années 1980 en fond sonore, le directeur des ressources humaines de l'usine Bisson (Jean-Luc Couchard) prend la parole : il vient vanter les valeurs de son entreprise et présenter le premier "médaillé" de la soirée. Il s'agit d'Auguste Donte (Jean-Claude Frissung). Après quelques remerciements convenus, l'ouvrier, cabossé et usé par des années de travail à la chaîne, dérape. Il nous dit la dureté du métier, le bruit qui rend fou, la soumission au chef, la vie de famille gâchée... Geneviève Pizzuto (Geneviève Mnich) et Mme Veuve Duchêne (Maryline Even), à laquelle on remet pour son mari la médaille de vermeil à titre posthume, ne diront pas mieux. Entre leurs témoignages accablants, Caroline Bisson (Caroline Gonce), la petite fille de feu le fondateur de l'usine, aujourd'hui directrice de l'action sociale, vante les bienfaits de la pomme de terre pour ses employés et préconise des stages d'amitié (!) tandis que le directeur en sciences sociales (Eric Prat) dresse une typologie du monde ouvrier en distinguant les "Méditerranéens" qu'il conviendrait de renvoyer dans leur pays en charter (!) ...

C'est cynique à souhait et brillamment interprété. Mais il manque une petite folie à la mise en scène de Zabou Breitman pour que le spectacle dérape vraiment et nous embarque. Il manque surtout une touche d'humanité à ces ouvriers malmenés par des années de travail à l'usine pour qu'ils nous touchent. Dommage.

La Médaille (pièce avec chenille) (1h20) de Lydie Salvayre, mise en scène de Zabou Breitman. Au Théâtre du Rond-Point, jusqu'au 9 oct. www.theatredurondpoint.fr

4 commentaires:

  1. Tout à fait d'accord avec vous.

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  2. Je vous conseille au Rond POint la loi du marcheur. C'est un spectacle extraordinaire avec Nicolas Bouchaud, formidable dans la peau du cinéphile et journaliste Serge Daney. Antoine.

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  3. Une femme à Berlin avec Isabelle Carré est aussi un très bon spectacle à voir en ce moment au théâtre du Rond Point.

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  4. Je partage largement votre analyse, mais je me réjouis qu'on programme des pièces comme celle-ci qui parle du monde du travail: c'est trop rare pour être signalé et il faut y aller, ça n'a rien d'ennuyeux de regarder un miroir pointé sur le réel. Il manque à "La Médaille" ce qu'on trouve par exemple dans Par dessus-Bord" de Michel Vinaver ou encore dans Push-up (Schimmelpfennig) ou Top Dogs (Widme) voire Das System (Richter): je pense qu'au-delà d'une question de mise en scène il y a aussi un pb de texte d'où la folie, le symbolique sont un peu trop absents.

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